Composée en 2001 sur une commande de l’Orchestre de Paris Créée en janvier 2002 à Carnegie Hall de New York, lors d’une tournée de l’Orchestre de Paris aux États‑Unis. Color a été créée en France le 28 septembre 2002 dans le cadre du Festival Musica Dédiée à Christoph Eschenbach
Ce concert symphonique est d’une espèce un peu particulière. Il s’adjoint un plasticien. L’orchestre compte cent‑vingt musiciens, il est en quelque sorte le cent vingt‑et‑unième. Il va peindre en direct au fil du discours musical. Comme dans d’autres formes contemporaines, la danse par exemple, il ne s’agit pas d’illustrer le son par l’image mais de confronter les disciplines, pour faire de cette exécution de Color une expérience artistique enrichissante et libre. Il ne s’agit donc pas d’une explication stricte, même si cette performance a été préparée à partir de l’analyse de la partition et nourrie par une rencontre avec le compositeur Marc André Dalbavie.
Le plasticien Patrick Pleutin s’était déjà immergé dans Color l’année dernière lors d’une expérience menée avec des élèves de Terminale du Lycée Racine de Paris qui avaient composé collectivement leur propre partition à partir des principes utilisés par Marc André Dalbavie. Il s’associe ici avec Marie Poulanges, altiste de l’Orchestre de Paris. Marie Poulanges a vécu la première exécution de Color, sa « création », lors d’une tournée à New York en 2002. Les deux artistes ont travaillé à confronter le point de vue du peintre à celui du musicien, à marquer la partition d’interventions précises pour aboutir à un découpage jalonné d’ambiances, de caractères qui se matérialiseront au fil du concert.
Le concert se déroule en deux temps. Avant que Color soit jouée intégralement, Marie Poulanges et Patrick Pleutin parcourent l’œuvre et mettre en relief trois passages. Ces trois temps correspondent aux trois phases que traverse la musique de Color, qui naît, s’ouvre et se développe, avant de se refermer sur une unique mélodie. L’œuvre commence par un accord de harpe, une entrée des cuivres fortissimo, un très long ré soutenu par les contrebasses, une grande descente mélodique… en tout, ce seront cinq aspects importants qu’il faudra garder en tête.
En contrepoint à cette introduction, Parick Pleutin joue de formes géométriques, en référence au plasticien Daniel Buren, proche du compositeur. Buren a choisi dans son travail non pas de rompre avec le musée, lieu d’exposition par excellence des arts plastiques, mais d’interroger cette tradition pour la renouveler. De la même façon, Marc André Dalbavie revenait en 2002 à l’espace conventionnel de la scène de concert, avec les instruments acoustiques de l’orchestre, après avoir composé des œuvres spectrales ayant recours à l’électronique et mettant en œuvre une spatialisation du son par haut‑parleurs. D’autres formes surgissent ensuite de la palette de couleurs projetée sur l’écran : des références du Moyen‑Âge, comme le bestiaire fantastique des licorne, lion, centaure…
Mais il faut que Marie Poulanges freine ce Picasso grand format qui tague la musique de ces grands coups de pinceau : Color, ça ne veut pas dire couleur, du moins pas ici, ou pas uniquement : c’est dans la musique du Moyen‑Âge un principe d’engendrement mélodique.