Effet miroir sur une culture
De fil en aiguille, le public devient modèle, il ne prête presque plus attention au peintre, et la peinture prend forme lentement Comment percevoir cette image qui prend forme sous nos yeux ? Comment se laisser guider par ce peintre qui, avant de se mettre à l’ouvrage, est allé à la rencontre d’hommes et de femmes qui ne faisaient rien de moins que vivre leur routine ? Il interagit avec eux, il se présente au public et efface ainsi son étonnement. Celui-ci l’entoure, chacun va à la rencontre de l’autre et fait sa connaissance. De fil en aiguille, le public devient modèle, il ne prête presque plus attention au peintre, et la peinture prend forme lentement, modèle et peintre sont patients. L’artiste se présente aux commerçants dans l’idée de saisir quelque chose de particulier, des instants de vie et des réalités. Toutes ces choses contenues dans les gestes, dans les regards, dans la découpe et la manipulation d’ingrédients pour la cuisine. Le résultat paraît simple et est pourtant bien plus saisissant qu’une photographie. Au fur et à mesure que les toiles se terminent, c’est un monde qui se découvre petit à petit. L’artiste est sur sa lancée, chaque dessin est une étape de plus qu’il surmonte. Chaque image vise à étoffer un avis et à faire régresser les idées reçues sur cette île de l’océan Indien. Ce marché est incontournable pour découvrir les fruits de saison, ceux qui proviennent des autres régions, et ces produits que d’ordinaire on retrouve dans les îles, fruits du jacquier et fruits à pain. Des produits dont la quantité et la variété ne peuvent que submerger celui qui les regarde. Des produits dont l’éclat suffit pour les distinguer, pour convaincre les acheteurs de choisir celui-ci plutôt que celui-là. Toutes ces variétés de fruits et de légumes s’offrent à la vue telles des palettes de couleurs. Tandis que chacun survole ces détails, le peintre lui s’arrête, pour ensuite recréer ce qu’il voit à l’aide de ses outils. Étonnamment, le marché paraît bien plus complexe qu’on ne pourrait le croire. L’endroit semblait avoir livré tous ses secrets à ceux qui s’y approvisionnent presque tous les jours. Le peintre, lui, parcourt et relève à sa façon les couleurs afin de les sublimer et de les placer au centre de l’attention.
Les gens, les produits, les couleurs et la vie tout autour
Ce qu’il donne à voir ne laisse rien échapper de la vérité émanant de ces moments capturés en direct au pinceau Toutes ces vies qui tournent autour des produits de la récolte ou de la pêche : certains les cultivent, tandis que d’autres les achètent pour ensuite les revendre. Ces innombrables vies sans lesquelles le monde ne serait pas ce qu’il est. Le marché, élément incontournable de la ville. Les interactions et l’interdépendance, la survie des uns et des autres reposent sur les mêmes marchandises, des produits qui pour la plupart doivent être écoulés dans la journée. Sur les toiles du peintre, ce sont des existences similaires qui sont racontées. Un embarras du choix de produits ; des vendeurs qui jamais ne perdent patience. Ceux-ci ont l’air distraits ; les yeux rivés sur ce qu’ils ont à faire, ils ont probablement oublié la présence du peintre.
Vaquer à leurs occupations, tous en pleine immersion dans un art qui fait appel à un savoir-faire particulier. Chacun dans son monde. Chacun donnant le meilleur de lui-même, exécutant les gestes de manière mécanique. Les gestes rapides d’artisans plongés dans leurs automatismes. Le peintre, lui, fait dans le détail, il dessine les variétés : feuilles de manioc pilées formant plusieurs dômes de couleur verte, poulet de chair, poissons séchés ou gros morceaux de viande. Une attention sans faille aide à percevoir les couleurs incrustées et même les nuances presque microscopiques, sur les produits étalés, les visages, les habits, ou tout autre élément du décor. Chaque toile est une fenêtre, un tracé réalisé à l’aide de détails infimes. Non seulement l’artiste met en exergue des couleurs mais il permet de porter un regard juste. Ce qu’il donne à voir ne laisse rien échapper de la vérité émanant de ces moments capturés en direct au pinceau. Il s’efforce de rester fidèle aux couleurs naturelles. Ces œuvres sont éblouissantes. Pourtant, il ne s’agit là que de couleurs, celles de ces existences qui ne se suffisent pas à elles-mêmes, ainsi que de personnages qui ne voient plus les teintes éclatantes qui les entourent. Un labyrinthe dans le marché Il faut avoir une idée précise de ce que l’on recherche pour s’aventurer dans ce lieu aux multiples couloirs.